Tuesday, October 27, 2009

L'importance des Black Swans en Economie




En 1997, le fond Long Term Capital Management (LTCM, qui comptait à son bord les deux prix nobels MERTON et SCHOLES) disposait des modèles de prédiction les plus avancés de sa génération. Guidés par les conseils de ces algoritmes concernant la dégradation de l'économie, les gérants vendent de grands nombres d'options de couverture misant sur une baisse de la volatilité (voir ici). En effet, la volatilité sur les marchés atteignait des sommets, et la très forte probabilité qu'elle baisse laissait entrevoir des profits Mark to Market records. Le 17 Aout 1998, l'Etat Russe procéda à la dévaluation de sa monnaie et fit défaut sur sa dette. Un évènement inconcevable qui n'avait aucune place dans les modèles utilisés par le fond. Les Génies avaient échoué, et le monde financier traversera une crise.






Un Black Swan ou "Cygne Noir" est un évènement rare, imprévisible, et dont l'impact sur son environnement est majeur. Celui-ci peut etre positif ou négatif, des exemples allant des attentats du World Trade Center à l'apparition de Google, en passant par la découverte du Feu ou le Tsunami asiatique. Attribué à Nassim Nicholas TALEB pour son livre  paru 2007, le terme est dorénavant devenu commun dans le cercle des Financiers.


 Maintenant que nous commençons à avoir du recul sur les évènements ayant mené à la crise des Subprimes, il est devenu commun de dénigrer ceux qui "auraient du voir venir la crise" (les noms les plus communs étant Bernanke, les élites de Wall Street, les économistes...) et d'accorder une confiance aveugle à ceux "qui l'avaient bien dit" (Peter SCHIFF, Nouriel ROUBINI). 
Pourtant, si une unique leçon était à tirer de la Crise économique, c'est que l'improbable dépasse par définition nos capacités de prévision: nous devons apprendre à composer avec lui, et passer outre notre volonté de toujours vouloir prévoir.





  • Les Oeillières de GAUSS
A chaque crise économique sont associés des noms d'Economistes, Traders ou autres personnalités de la sphère financière ayant "prévu la crise". Ceux-ci voient leur cotes monter, et leur carnet de clients potentiels exploser: on leur reconnait un talent, une expertise qu'ils monétisent.
En reconnaissant à ces individus un pouvoir de lecture sur les marchés financiers, on leur attribue la capacité de comprendre l'exubérance irrationelle y reignant.
Et si ils n'avaient pas eu raison par usage d'une capacité de rationnalisation hors-norme mais simplement par hasard?


Illustration du "survivorship bias", notre inclination naturelle a porter attention aux performances des survivants, en omettant la taille de l'échantillon initial.





Le cerveau humain génère en permanence des schémas (patterns) destinés à analyser les données qu'on lui donne à synthétiser. Un des schémas de rationnalisation les plus intuitifs est certainement la courbe de Gauss ou Loi Normale
L'idée a retenir pour cette analyse est que dans un environnement gaussien, la fréquence d'apparition d'un phénomène appartenant a un ensemble est inversement proportionnelle a son écart avec la moyenne de l'ensemble.  
Si l'on calcule la taille moyenne des individus d'un pays, il y a de moins en moins d'individus concernés lorsque l'écart avec la taille moyenne augmente et ce, jusqu'à ce que les queues de la courbe atteignent 0. Avez vous déjà croise des individus mesurant 4 mètres, ou 20 centimètres?  
La taille des individus étant une variable gaussienne, la probabilité de trouver des personnes d'1m50 sera relativement plus forte en Asie (ou la taille ; moyenne est moins élevée) qu'en Scandinavie (ou elle est plus élevée).


Comme la taille des individus, il existe de nombreuses données dont la distribution suit une loi Normale. Les Marches Financiers n'en font pas partie.
Eugene FAMA avait montre que si tel était le cas, des écarts conséquents (dont l'écart-type serait 5 fois supérieur a la moyenne) ne devraient avoir lieu qu'une fois tous les 7000ans.  Pourtant, ces sauts sont observables environ tous les 3 ou 4 ans (soit plus de 1500 fois plus probables).
Benoit MANDELBROT, une des seules personnes tenues en respect par TALEB, avait lui aussi procédé a ce type d'expériences, avec les mêmes résultats:
  Benoit Mandelbrot, who gives short shrift to those who believe financial markets resemble a bell curve, with modest movements the norm and violent moves infinitesimally rare. Looking at the daily movements of the DJIA from 1916 to 2003, Mandelbrot said that according to the neat bell curve analysis, there should have been 58 days when the Dow moved more than 3.4%, when in fact there were 1,001.
Instead of just six days when there were movements of more than 4.5% there were 366. Only once in every 300,000 years should there have been a day when the Dow moved by 7% or more, but it happened 48 times. "Extreme price swings are the norm in financial markets - not aberrations that can be ignored. Price movements do not follow the well-mannered bell curve assumed by modern finance; they follow a more violent curve that makes an investor's ride much bumpier," Mandelbrot says in his book The (Mis)Behaviour of Markets (Profile Books). "A sound trading strategy would build this cold, hard fact into its foundations". 





Une représentation sous forme Gaussienne des mouvements ayant lieu sur les marches financiers laisserait entrevoir a chaque extrêmes de la distribution des "Fat Tails", reflétant le fait qu'il existe un grand nombre d'évènements a caractères idiosyncratiques.



Afin de modéliser leurs risques, les institutions financières utilisent des batteries d'indicateurs et modèles. Le VaR (Value at Risk) est (était?) le plus populaire depuis son introduction par des quants de JPMorgan. Un des facteurs de sa popularité: il renvoie un simple chiffre, censé refléter l'exposition aux risques d'un portefeuille déterminé. Un second facteur de sa popularité: La demande de la SEC aux institutions financières a la fin des années 90 de publier un indicateur reflétant le risque de leur position. Enfin, Le Comite de Basel autorisait les Banques a fixer leur niveau de capital requis sur le niveau de leur VaR. 
Une citation plus que d'autres sur laquelle je pense utile de s'arrêter:
I believe that Value at Risk is the alibi bankers will give shareholders and the bailing-out taxpayer to show documented due diligence, and will express that their blow-up came from truly unforeseeable circumstances and events with low probability, not from taking large risks they did not understand. ... I maintain that the due diligence VaR tool encouraged untrained people to take misdirected risk with shareholders' and ultimately the taxpayers', money. (ici)
Comme vous pouvez le voir, elle vient de TALEB et, plus surprenant, elle date...1997.
Reposant sur les préceptes Gaussien en termes de probabilités, le VAR ne pouvait voir venir des chocs idiosyncratiques tels que l'explosion de la Bulle des Télécoms ou  la crise actuelle. Ces Outliers se situaient au dessus de la Tail présupposée par le modèle.











Un cheval est muni d'oeillères pour ne pas être influencé par l'environnement extérieur. Le fait est, si un évènement majeur se déroule (Comme une voiture arrivant sur son flanc), il ne pourra pas la voir venir et sera percuté.
Un arbitrage est réalisé: celui de se protéger contre des phénomènes mineurs mais fréquents mais en augmentatnt son exposition à des phénomènes rares d'importance supérieure.

En se concentrant sur le VaR et en appliquant implicitement une distribution normale aux évènements occurant sur les marchés financiers, le système financier s'est, lui aussi, muni d'oeillères.



Friday, October 23, 2009

Illusion Monétaire, Marchés Financiers et Bulles

Peu de personnes savent ce qu'est et ce qu'implique l'illusion monétaire.
Il y a de plus de fortes chances pour que la minorité qui connaissant le phénomène (dont vous et moi, tout du moins après lecture de cet article) n'en comprenne pas toutes ses implications.

Le biais d'illusion monétaire jouit d'une reconnaissance si faible qu'il n'apparait selon la base Factiva de Reuters que dans environ 700 articles sur les dix dernières années, contre environ 4 millions d'occurrences pour le terme "inflation". Pourtant, inflation et illusion monétaire sont intrinsèquement liés.
Encore plus significatif, observons les moments ou des articles de presse contenant "Money Illusion" sont publiés:



Pour résumer, l'illusion monétaire est un phénomène dont la couverture médiatique est fonction croissante de la conjoncture. En temps de crise, le nombre de références augmente.

L'opinion collectif  étant un driver majeur des marchés financiers et de l'économie (comme évoqué dans l'article In-croyable Banquier Central), et cette opinion étant elle-même largement influencée par les médias d'information, il me semble important de se pencher sur le phénomène d'illusion monétaire.


Pour bien comprendre ce qu'est l'illusion monétaire, considérons cet exemple:
On vous offre une prime destinée à l'achat d'une voiture. Comme souvent en économie, on vous donne un choix:
  • Disposer d'une somme de 20 000€ pour l'achat immédiat
  • Attendre 5 ans et disposer de 40 000€
Jusque là, tout va bien.
En revanche, admettons que au fil de ces 5 années d'attente la monnaie se soit dépréciée fortement et ne vale plus que 50% de sa valeur actuelle.
Dans ce cas, les 40 000€ perçus dans 5 ans "vaudront" 20 000€ à la valeur actuelle de la monnaie.
Vous aurez donc doublé la somme perçue, mais serez vous plus riches? Non.
Mieux: possédant alors une voiture à 40 000€ et non pas une voiture à 20 000€, votre valeur nette aura t'elle augmentée? Non.
Mais, 40 000€ c'est plus que 20 000€, non? Et bien dans ce cas oui, si vous êtes victime d'illusion monétaire.

Être victime d'Illusion monétaire, c'est fonder ses décisions économiques sur des Valeurs Nominales et non Réelles.
(Valeur Nominale = Valeur réelle + Variation des Prix)

L'illusion monétaire est tout d'abord un phénomène psychologique nous influençant au quotidien dans tous types de choix: investissements, pricing, prêts, ventes... comme l'ont montré TVERSKY et DIAMOND.

L'exemple pré-cité peut paraitre simpliste. Pourtant, les effets de l'illusion monétaire sont omniprésents et influent fortement sur le comportement des investisseurs.

  • Idée reçue numéro 1: L'inflation est un phénomène maitrisé 
Je crois aux idées de l'Économie du Comportement (Behavioral Economics) concernant  les biais psychologiques dans les choix des individus et l'importance de l'information. Les implications de  l'inflation sont sous estimées et mal connues. En 2007, l'ESCP offrait aux étudiants (dont moi à l'époque) le droit de disserter sur le sujet "L'inflation est-elle partout et toujours un frein à la croissance économique".  On estime qu'il faut 2 ans de classe préparatoire pour commencer à cerner le sujet!

En réalité, l'inflation réelle est supérieure à l'inflation rapportée le Consumer Price Index (US)  car la composition de l'indicateur minore par définition l'augmentation des prix (le CPI exclu par exemple Food et Energy, et ne prend pas en compte l'inflation des actifs financiers).



En fondant notre analyse des effets de l'inflation, et de son corolaire d'illusion monétaire, sur la progression des revenus médians des foyers aux États-Unis, les résultats portent à réflexion:



En calculant à partir des chiffres rapporté par le CPI officiel, non seulement le Revenu médian par foyer a chuté en termes nominaux de plus de 4% entre 2000 et 2008, il aurait du gagner 25% pour conserver un pouvoir d'achat équivalent.


  • Idée reçue numéro 2: Les monnaies des pays développés ne peuvent pas varier assez fortement pour se soucier du phénomène d'illusion monétaire.
Les monnaies sont elles aussi soumises au bon vouloir des marchés financiers. Si sur le long-terme la valeur d'une monnaie reflète des fondamentaux de l'économie du pays, à court-terme elle est influencée par les croyances des marchés et soumise à leur exubérance.

Prenons pour exemple le Dollar. Celui-ci semble tiré structurellement vers le bas en raison, entre autres, des mauvaises habitudes américaines en termes de Dette ou de création monétaire. Pourtant, son rôle clé dans Bretton Woods 2 fait du Dollar une valeur refuge pour les investisseurs dans certaines circonstances. Au final, le billet vert fluctue fortement car il est soumis à l'irrationalité des marchés.




  

PIB, Résultats Nets des Entreprises, Valeurs Immobilières, Stock Markets sont des exemples d'indicateurs économiques souvent (trop?) analysés sans prendre en compte le phénomène d'illusion monétaire.

Voici quelques illustrations pouvant porter à réflexion:









L'analyse économique étant largement fondée sur la relativité entre 2 indicateurs ou plus (dénomination du pétrole en dollar, Gains sur le CAC en Euros...), analyser en isolant les effets de l'illusion monétaire est essentiel pour comprendre les tendances.

Friday, October 16, 2009

"In-croyable" Banquier Central

Si il est bien un personnage qui ait été propulsé sur le devant de la scène par les remous de la crise financière, c'est bien le Banquier Central.
Le Banquier Central exerce un réel métier de funambule, sa tache étant simultanément de mener une politique monétaire adaptée à la conjoncture economique mais aussi de s'efforcer à dompter les Esprits Animaux keynésiens.
C'est d'ailleurs cette dernière fonction qui donnera à la figure du Banquier un rôle si « Central » dans l'économie globalisée. 

L'indépendance des Banques Centrales, l'intégration des marchés financiers, ainsi que la globalisation financière ont transformé l'exercice du Banquier Central du gestionnaire à l'orateur. Le Banquier Central a un rôle à jouer, dans le sens artistique du terme: il incarne un personnage.
 « Ayant regardé la politique monétaire des deux côtés aujourd'hui, je peux témoigner que le métier de banquier central en pratique relève beaucoup plus de l'art que de la science. Néanmoins, en pratiquant cet art sombre, j'ai toujours trouvé la science assez utile » Alan BLINDER
Face à ce personnage, les marchés financiers incarnent une audience passionnée. Le terme d’esprits animaux est, je trouve, pertinent pour 2 raisons :
  • L’animal est celui qui répond à l’instinct, pour qui la raison n’est que secondaire relativement à l’affect. C’est d’ailleurs ainsi que KEYNES utilisait le terme dans sa Théorie Générale :
"Even apart from the instability due to speculation, there is the instability due to the characteristic of human nature that a large proportion of our positive activities depend on spontaneous optimism rather than mathematical expectations, whether moral or hedonistic or economic. Most, probably, of our decisions to do something positive, the full consequences of which will be drawn out over many days to come, can only be taken as the result of animal spirits - a spontaneous urge to action rather than inaction, and not as the outcome of a weighted average of quantitative benefits multiplied by quantitative probabilities."
  • L’animal peut également renvoyer à la notion de troupeau. Comme le décrivait Thomas FRIEDMAN (rien à voir avec Milton), dans son Best-seller The World is Flat, les NTIC ont permis la formation d’un « Troupeau Electronique » pour qui la distance physique n’est plus rien: les ordres peuvent etre passes sur les marches financiers sans contraintes de temps ni de distance. Ce troupeau développe un comportement moutonnier (Comme l’animal, tient donc).
Si sa fonction théorique est d’être titulaire de la politique monétaire, le Banquier Central joue en premier lieu le rôle de guide pour les marchés financiers. Il est le tuteur d'une sphère financière considérée comme irrationnellement exubérante (GREENSPAN, SCHILLER). En terminologie neoclassique, le Banquier Central doit fixer les anticipations des agents notamment en termes de politique monetaire et d'inflation.



Afin d'avoir l'effet escompté sur le développement de l'économie, la politique monétaire doit être crédible.
On distingue 2 grands Modèles de Banquiers Centraux:
  • Le Banquier Central Conservateur (ROGOFF): L'indépendance des Banques Centrales acquise, le Banquier Central doit gagner la confiance des marchés institutions. Le Banquier Central Conservateur est celui qui est averse à l'inflation, est qui fera tout ce qui est en son pouvoir pour dompter la montée des prix. L'independance des Banques Centrales etant destinee a isoler la conduite de la politique monetaire des echeances electorales, le role du Banquier central conservateur n'est pas de satisfaire les agents mais de mener une politque credible et inalterable.





    • Le Banquier Central Keynésien: Contrairement au Banquier Central Conservateur, le BC Keynésien se soucie aussi des autres composantes de l'économie comme taux de chômage ou croissance. Il n'hésite pas à utiliser les divers leviers de la Banque Centrale pour stimuler l'économie. Un exemple historique est le policy mix mene par GREENSPAN et CLINTON, alliant reduction du deficit et expansion monetaire (image 1). Le Banquier Central Keynesien est egalement tres contemporain (image 2).




    Comme souligné par les médias, universitaires et économistes; la crise des Subprimes est révélatrice d'une crise de confiance.
    Tout d'abord, car les CDS (Credit Default Swaps), qui constituent la majorité des produits dérivés ayant fait des dégâts dans les bilans des banques, sont des options sur le non remboursement de prêts: ce sont des produits constitués pour se couvrir sur des non remboursement. Ils reflètent le manque de confiance qu'ont eu les agents les uns pour les autres à un moment t ou tout était censé bien aller.
    Ensuite, les Banques n'ont plus voulu se prêter entre elles, diminuant sensiblement la liquidité générale et le bon fonctionnement des marchés. Elles étaient bien trop apeurées par un éventuel mouton noir pour ne pas thésauriser leurs (maigres) liquidités.
    Enfin, l'économie réelle a souffert de la dégradation de la confiance des ménages.

    Cette crise de confiance est d'autant plus prégnante qu'elle suit ce que Ben BERNANKE avait appelé la "Grande Modération", cette période allant des années 80 jusqu'en 2007 pendant laquelle un "réglage fin" de la politique monétaire avait permis de réduire la volatilité de l'économie.





    Comme le montre ce graphique, la période s'étendant de 1986 à 2007 n'est pas la première dans l'histoire des Etats-Unis pendant laquelle les cycles économiques se sont lissés. Un premier cycle lissé de 17 ans commençant en 1963 est visible, et la période des Roaring Twenties (non représentée) démontrait déjà ce phénomène. Le lissage du cycle ayant eu lieu à la fin des années 20 est d'autant plus remarquable pour notre analyse que:
    • Comme l'avait  noté FRIEDMAN:
      « La croyance se répandit qu'une nouvelle ère était née dans laquelle le cycle des affaires était maintenant un phénomène dépassé en raison des progrès de la technique monétaire».
      Ce qui n'est pas sans rappeler le discours de 1994 sur la Grande Modération.


    • Cette période se termina par la Grande Récession débutant en 1929

    Aujourd'hui, l'économie a besoin pour repartir sur des bases saines de la confiance collective.
    Un des soucis majeurs, c'est que les Banques Centrales (surtout la FED) ont perdu en crédibilité. En 1913, celle-ci avait été constituée pour être le préteur en dernier ressort apportant la liquidité dans une situation de credit crunch. Cependant, avec la taille critique du secteur financier contemporain est apparue la notion de Moral Hazard. Si vous savez que quelle que soit la qualité de votre gestion vous êtes protégé, votre propension marginale à prendre des risques augmente. Pour les banques, c'est pareil.

    Les Banquiers Centraux avaient alors décidé de faire croire aux banques qu'elles n'étaient pas too big to fail, et qu'elles ne devaient pas se sentir assurées. C'était l'époque de la doctrine de l'ambiguite constructive: la communication de la Banque Centrale perdait en transparence mais introduisant la notion d'incertitude dans sa communication: "Si vous m'avez compris, c'est que j'ai du mal m'exprimer" disait GREENSPAN




    Mais, déjà sous le mandat de ce même Alan GREENSPAN et de sa gestion de la crise des NTIC à base d'injection de liquidités, les banquiers s'amusaient à parler d'un Greenspan Put: une garantie implicite qui les protègeraient  en cas de turbulence économique, comme l'option de vente (put) servant aux traders a se couvrir contre de trop fortes pertes.



    Aujourd'hui, certains commencent à parler d'un BERNANKE Put, celui-ci continuerait dans la tradition des coupes massives dans les taux et d'injection de liquidites aux moindres bosses sur le sentier de la croissance.

    Mon avis, c'est que l'image des Banques Centrales est aujourd'hui largement tributaire de l'image du Banquier Central. La BCE et la FED ont eu des gestions très différentes de la crise économique et je ne m'attarde que sur la dernière car les États-Unis restent (pour l'instant) la pierre angulaire du Système Monétaire International.
    La FED a été créee au debut du 20eme siecle pour être le pompier de l'économie américaine et par extension de l'économie mondiale. Le problème, c'est que la globalisation financière et son corolaire, le risque systémique, dépassent les capacités d'un unique organisme. Ben BERNANKE a accédé à la fonction de Banquier Central après avoir été reconnu expert sur son thème de prédilection, les crises financières. On aurait donc pu imaginer une certaine credibilite accordee par les marches a sa politique monetaire. Pourtant, sa gestion de la crise des Subprimes est largement questionnée. Le fait que son etude exhaustive de la Grande Depression de 1929 l'ait amene a imputer la crise financiere de l'epoque au manque de liquidites injectees  par la FED de 1929 a 1932 peut etre un debut d'explication de ce manque de credibilite.

    De fait, ce n'est pas seulement l'homme qui est remis en question mais derrière lui l'institution, et même le SMI. Ron PAUL vient non seulement d'écrire le manifeste anti-Banque Centrale End the FED, mais également d'appeler à la suspension de la réélection de Bernanke à la tête de la FED. Des initiatives comme Audit The FED gagnent du terrain.

    Le Banquier Central est devenu une pièce maitresse sur l'échiquier économique mondial. Sans regain de confiance de la part de la communauté financière, il ne pourra pas relancer l'économie comme souhaité et souhaitable. "On ne fait pas boire un âne qui n'a pas Soif" comme le disait un des premiers théoriciens de la crise économique: KEYNES.

      Tuesday, October 13, 2009

      La conjoncture a travers l'equilibre emploi-ressources

      L'équilibre emploi ressource traduit en macroeconomie la composition du PIB.


      Bien que le PIB soit souvent présenté comme un chiffre, il s'agit en réalité de plusieurs grandeurs aggregées.
      Une des équations les plus répandues est celle décrivant la composition du PIB en économie ouverte: Y=C+I+(G-T)+(X-M).
      En developpant cette equation (en séparant consommation des menages/entreprises par exemple, comme ici), on decouvre une multitude de facons de décomposer (ou composer) le PIB.


      Ici, nous avons donc:
      Croissance du PIB = Consommation Privee + Consommation du gouvernement (G-T) + Consommation des Entreprises (FBCF+Inventaires) + Balance Commerciale (X-N)


      •  Le PIB de la zone Euro mais surtout du Japon est soutenu par une balance commerciale en progression, mais les produits vendus sont largement issus de stocks et non de la production du trimestre

      • Au Royaume-Uni, consommation des ménages et consommations des entreprises sont en berne alors que l'économie articulée autour des services n'est pas en mesure de générer un excédent commercial significatif (l'élasticité des services à l'export est inférieure à celle des Biens). La recomposition des inventaires est en revanche un bon signe, signifiant que les entreprises ont épuisé leurs stocks et sont contraintes de produire pour satisfaire la demande

      Thursday, October 8, 2009

      Politique monetaire et Dette

      Comme noté précédemment, le dollar se déprécie ces dernières semaines contre l'ensemble des monnaies.

      Les parités de 2 monnaies entre elles étant assez variables, il peut etre intéressant de se pencher sur le Dollar Trade Index, qui mesure les variations du dollar face à un panier de devises:


      Pourquoi le billet vert se déprécie t'il autant? Les raisons sont nombreuses, mais certaines me semblent à noter.


      • La relance des marchés financiers: Comme l'a montre David Malpass dans ses travaux sur les marches financiers, la depreciation du dollar a joue un role majeur dans la progression des indices americains depuis les annees 2000. Pour exemple, en isolant l'effet de la depreciation du dollar, la progression du S&P 500 (indice US) a ete moins forte que celle du DAX (indice europeen) sur les dix dernieres annees. le mois de Mars, qui correspond au debut du rally boursier, est egalement le mois ou le dollar a atteint son plus haut face au panier de devises (cf graph).
      • Sortir de la Dette par l'inflation: Dettes privees comme Dettes Publiques sont a un niveau historiquement haut. Comme le montre la Ned Davis Research, le marche de la dette exprime en % du PIB a depasse en 2003 le niveau atteint dans les annees suivant la Grande depression de 1929. Il est important de distinguer Dette Publique et Dette du secteur prive. Si une explosion de la dette privee a eu un effet procyclique entrainant la situation actuelle, l'endettement public prive les Etats d'une marge de manoeuvre pour mener des politiques economiques contra-cycliques. On distingue habituellement 3 types de situations pouvant permettre une sortie de dette:


      -Faire faillite (bah voui...); ce qui qui au vu du nombre d'entreprises concernees semble peu realiste tant sur le plan economique que sur celui du politiquement acceptable.


      -Une amelioration generale de la situation economique permettant des rentrees d'argent utilisees pour reduire l'endettement, ce qui est a court terme et au vu des dettes contractees pas pour tout de suite.


      -L'inflation: Un grand nombre de prets n'etant pas correles a l'inflation, celle-ci a pour effet anticipe de reduire la valeur des prets a rembourser. Si je contracte un pret a 3%, et que l'inflation passe de 1 a 5%, le taux d'interet reel passe de 2% a -2%! L'inflation diminue le poids de la Dette. Comme le veut l'equation de Fisher (MV=PY), une augmentation de la masse monetaire, entraine a vitesse de circulation et niveau de croissance stables, l'inflation. Certains, comme John Kemp (ici), justifient donc les politiques d'injection de liquidites et de taux bas des banques centrales par une explication simple: Les Banques Centrales creent de l'inflation. Et, comme le veut l'adage de Robertson, "Si l'inflation n'est nulle part, il faut bien qu'elle soit quelque part". A niveau de prix inchanges, la depreciation du dollar joue le role d'une inflation cachee, en diminuant la valeur des dettes contractees.
      • Trade vs Capital: Une depreciation du dollar a egalement des effets sur l'economie exterieure du pays. Si l'on suit la theorie, la depreciation permettrait aux Etats-Unis de retablir une balance commerciale moins deficitaire. En effet, selon le modele IS-LM-BP (modele avec: regime de change flexible, perfecte mobilite des capitaux, et augmentation de la masse monetaire en circulation), une depreciation du dollar devrait s'ensuivre d'une baisse des prix a l'international des biens produits aux US, et augmenter de fait la croissance US (vu que PIB= Consommation + Investissement + Solde Exterieur + Solde Depenses Etatiques, ou Y= C + I + (X-N)+(G-T)) .
      Pourtant, dans les faits, le gain commercial apporte par la depreciation est moins important que l'effet negatif engendre par la fuite des capitaux. L'argument qui voudrait qu'un dollar faible engendre une réduction du déficit commercial américain est bancal: 40% du déficit courant est du aux importations de pétrole dont la monnaie d'échange est le même dollar et  20% du deficit est du aux echanges avec la Chine, dont la monnaie est pegged au billet vert.
      La FED et le Gouvernement americain ont une seule solution: Tenter d'empecher la fuite des Capitaux en racontant aux investisseurs que l'Etat defendra un dollar fort, tout en le laissant glisser pour favoriser les exportations.
      "These men insult our intelligence. The US government desperately wants a weaker dollar – so boosting exports while lowering the value of America's massive foreign debt. The currency markets will keep betting against the greenback as they know the Federal Reserve will do nothing to stop a weaker dollar coming true. "Benign currency neglect" is the cornerstone of Obama's recovery strategy. "
      Ce n'est pas moi qui le dit, c'est Liam Halligan, ici

      Wednesday, October 7, 2009

      La vérité vraie de la crise des Subprimes

      La crise des subprimes s'est invitée depuis maintenant 2 ans dans le quotidien de chacun.
      Pourtant, rares sont ceux capables d'en comprendre les tenants et les aboutissants, que ce soit en raison de l'opacité des modèles financiers impliqués ou des sommes engagées.

      Comprendre est déjà difficile, alors l'expliquer... C'est pourquoi tout le mérite revient à ses deux vidéos (anglophones) qui utilisent des mots simples, pour que tous puissent (enfin) comprendre.

      La crise économique, ou comment avoir l'air smart en soirées:

      Partie 1
      Partie 2

      Tuesday, October 6, 2009

      La Fin de Bretton Woods 2?

      Ce premier post sur mon blog portera donc un titre semblable a un film de serie B.

      Bretton Woods, c'est ce fameux systeme monetaire organise a la sortie de la 2eme guerre mondiale.
      Je n'en reparlerai pas ici, le sujet etant souvent bien couvert.
      Cependant, comme dans un film de serie B, lorsque Nixon annonca le 15 Aout 1971 la fin de la conversion d'une once d'or pour $35, tout le monde a cru que BW c'etait fini... Ou pas.

      Bretton Woods 2 est un terme invente par Dooley, Folkerts-Landau et Garber.
      Si ils surnomment ainsi l'ere post-BW, c'est que pour eux le systeme reste equivalent, avec une grande puissance au coeur du systeme (USA), et une monnaie de reserve ($). Au cote de ce "coeur" du systeme, une peripherie (l'Europe/Japon, puis l'Asie) dont le modele de croissance s'appuie sur un taux de change sous-evalue et de fait sur les exportations.
      Rien ne se perd, rien ne se cree, Tout se transforme. "l'hegemonie du Dollar" chere a Henry C.K Liu reste intacte.

      Des la fin de BW1, le dollar assume son role de monnaie de reserve. Je distinguerais 2 grands facteurs ayant permis au dollar d'acquerir ce statut:

      1. La doxa des Chicago Boys de Milton Friedman: Une grande partie de la pensee economique depuis les annees 70 est en effet largement inspiree de la doctrine monetariste. Comme le montre avec brio Naomi Klein dans son tres subversif "The Shock Doctrine", l'ouverture economique de 'la future peripherie' de BW2 s'est deroulee selon les preceptes (Consensus de Washington et tout et tout) du FMI et de la Banque Mondiale. 2 ans apres la suspension de la convertibilite or du dollar, Pinochet declenche son coup d'Etat au Chili, et installe une politique economique determinee par... Milton Friedman. L'ouverture economique selon les politiques imposees par le FMI pour un PVD se revele souvent dommageable (tout du moins a court-terme) pour l'economie reelle. Les taux d'inflation sont incontroles, les monnaies se deprecient tres fortement... Ces meme pays qui tres vite constitueront 'la peripherie' de BW2 sont contraints de faire du currency peg pour lisser la transition vers un systeme suivant les 3D. Le dollar, monnaie de reference, devient leur etalon de conversion ce qui propulse la monnaie au coeur du systeme economique mondial.
      2. La cigale Americaine et la Fourmi Asiatique: C'est a la base de ce que l'on peut trouver dans les journaux et/ou rapports decrit comme "Grand desequilibre" mondial. Le prochain post sera dedie a l'illustration de l'equilibre macroeconomique emplois-ressources donc je ne vais pas trop faire de details sur ca tout de suite. Ce grand desequilibre, c'est succintement que l'Americain s'endette pour consommer et que le Chinois epargne, donc ne consomme pas. Logiquement, les monnaies asiatiques devraient s'apprecier. Cependant, les gouvernements asiatiques ont use de leur main pas tres invisible pour mettre les dollars entrants en reserve et maintenu ainsi une parite avec le billet vert intacte. Au final, les banques chinoises possedaient jusqua 2000 milliards de dollars en reserve au depart de la crise et le pays maintenait le Yuan sous valorisee. Autant dire qu'on retrouve ici (au moins 2000 milliards de fois) la logique Centre/peripherie.
      Mais voila, aujourd'hui beaucoup se penchent sur des graphiques ressemblant a ca:




      Ça, c'est l'évolution du taux de Change Euro/Dollar sur les dix dernières années.
      Ce que beaucoup de gens semblent retenir, c'est que le dollar a tendance a perdre de la valeur face aux devises de la périphérie. De la a crier a la fin du dollar comme monnaie de réserve, certains (prétextant également la morosité des chiffres prévisionnels américains comme le chômage etc...) semblent franchir le pas. Personnellement, je suis très dubitatif et pour au moins 2 raisons:
      1. La Cigale et la Fourmi, episode 2: La crise économique a beau être passée par la, le Grand Déséquilibre subsiste. Les réserves de la BC chinoise en dollars s'élèvent toujours a plus de 2000milliards. Le souci c'est, qu'avec des quantités de cet ordre en stock, le fait d'échanger ces dollars pour une autre unité de réserve (l'euro, l'or...) dévaloriserait le billet vert et donc les réserves de la BC. Soyons clairs, il est inconcevable de penser vendre 2000milliards de dollars en une transaction. Pour ne pas que ce trésor de guerre accumulé perde toute sa valeur, la Chine devra changer très progressivement la composition de ces réserves. Très, très progressivement. Aujourd'hui, c'est un vrai problème de riche que connait la Chine.
      2. Savoir compter sur ses doigts: Une deuxième raison de douter de la fin du dollar comme monnaie de réserve, c'est l'absence de vrai challenger réel a court-terme. Un petit exemple, avec la nouvelle d'aujourd'hui qui voudrait que le dollar perde progressivement une de ses fonctions majeures de monnaie de réserve: être la monnaie d'échange pour l'achat et vente de pétrole (http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=7858743463273188009&postID=7877335529026893460). Avec un prix du baril de 70$, il faudrait que l'équivalent en Euros de 2 Trillion de dollars de monnaie europeenne pour couvrir les échanges pétrolifères alors que l'ensemble des pièces et billets crées depuis la création de la monnaie commune a été de 9,5 Trillion de Dollars. 1/5 de la masse monétaire euro créée depuis sa naissance serait divertie? Faire fonctionner la planche a billets a cette hauteur n'est pas concevable a court-terme... Sans parler de la dévaluation engendrée de l'euro...