Friday, October 16, 2009

"In-croyable" Banquier Central

Si il est bien un personnage qui ait été propulsé sur le devant de la scène par les remous de la crise financière, c'est bien le Banquier Central.
Le Banquier Central exerce un réel métier de funambule, sa tache étant simultanément de mener une politique monétaire adaptée à la conjoncture economique mais aussi de s'efforcer à dompter les Esprits Animaux keynésiens.
C'est d'ailleurs cette dernière fonction qui donnera à la figure du Banquier un rôle si « Central » dans l'économie globalisée. 

L'indépendance des Banques Centrales, l'intégration des marchés financiers, ainsi que la globalisation financière ont transformé l'exercice du Banquier Central du gestionnaire à l'orateur. Le Banquier Central a un rôle à jouer, dans le sens artistique du terme: il incarne un personnage.
 « Ayant regardé la politique monétaire des deux côtés aujourd'hui, je peux témoigner que le métier de banquier central en pratique relève beaucoup plus de l'art que de la science. Néanmoins, en pratiquant cet art sombre, j'ai toujours trouvé la science assez utile » Alan BLINDER
Face à ce personnage, les marchés financiers incarnent une audience passionnée. Le terme d’esprits animaux est, je trouve, pertinent pour 2 raisons :
  • L’animal est celui qui répond à l’instinct, pour qui la raison n’est que secondaire relativement à l’affect. C’est d’ailleurs ainsi que KEYNES utilisait le terme dans sa Théorie Générale :
"Even apart from the instability due to speculation, there is the instability due to the characteristic of human nature that a large proportion of our positive activities depend on spontaneous optimism rather than mathematical expectations, whether moral or hedonistic or economic. Most, probably, of our decisions to do something positive, the full consequences of which will be drawn out over many days to come, can only be taken as the result of animal spirits - a spontaneous urge to action rather than inaction, and not as the outcome of a weighted average of quantitative benefits multiplied by quantitative probabilities."
  • L’animal peut également renvoyer à la notion de troupeau. Comme le décrivait Thomas FRIEDMAN (rien à voir avec Milton), dans son Best-seller The World is Flat, les NTIC ont permis la formation d’un « Troupeau Electronique » pour qui la distance physique n’est plus rien: les ordres peuvent etre passes sur les marches financiers sans contraintes de temps ni de distance. Ce troupeau développe un comportement moutonnier (Comme l’animal, tient donc).
Si sa fonction théorique est d’être titulaire de la politique monétaire, le Banquier Central joue en premier lieu le rôle de guide pour les marchés financiers. Il est le tuteur d'une sphère financière considérée comme irrationnellement exubérante (GREENSPAN, SCHILLER). En terminologie neoclassique, le Banquier Central doit fixer les anticipations des agents notamment en termes de politique monetaire et d'inflation.



Afin d'avoir l'effet escompté sur le développement de l'économie, la politique monétaire doit être crédible.
On distingue 2 grands Modèles de Banquiers Centraux:
  • Le Banquier Central Conservateur (ROGOFF): L'indépendance des Banques Centrales acquise, le Banquier Central doit gagner la confiance des marchés institutions. Le Banquier Central Conservateur est celui qui est averse à l'inflation, est qui fera tout ce qui est en son pouvoir pour dompter la montée des prix. L'independance des Banques Centrales etant destinee a isoler la conduite de la politique monetaire des echeances electorales, le role du Banquier central conservateur n'est pas de satisfaire les agents mais de mener une politque credible et inalterable.





    • Le Banquier Central Keynésien: Contrairement au Banquier Central Conservateur, le BC Keynésien se soucie aussi des autres composantes de l'économie comme taux de chômage ou croissance. Il n'hésite pas à utiliser les divers leviers de la Banque Centrale pour stimuler l'économie. Un exemple historique est le policy mix mene par GREENSPAN et CLINTON, alliant reduction du deficit et expansion monetaire (image 1). Le Banquier Central Keynesien est egalement tres contemporain (image 2).




    Comme souligné par les médias, universitaires et économistes; la crise des Subprimes est révélatrice d'une crise de confiance.
    Tout d'abord, car les CDS (Credit Default Swaps), qui constituent la majorité des produits dérivés ayant fait des dégâts dans les bilans des banques, sont des options sur le non remboursement de prêts: ce sont des produits constitués pour se couvrir sur des non remboursement. Ils reflètent le manque de confiance qu'ont eu les agents les uns pour les autres à un moment t ou tout était censé bien aller.
    Ensuite, les Banques n'ont plus voulu se prêter entre elles, diminuant sensiblement la liquidité générale et le bon fonctionnement des marchés. Elles étaient bien trop apeurées par un éventuel mouton noir pour ne pas thésauriser leurs (maigres) liquidités.
    Enfin, l'économie réelle a souffert de la dégradation de la confiance des ménages.

    Cette crise de confiance est d'autant plus prégnante qu'elle suit ce que Ben BERNANKE avait appelé la "Grande Modération", cette période allant des années 80 jusqu'en 2007 pendant laquelle un "réglage fin" de la politique monétaire avait permis de réduire la volatilité de l'économie.





    Comme le montre ce graphique, la période s'étendant de 1986 à 2007 n'est pas la première dans l'histoire des Etats-Unis pendant laquelle les cycles économiques se sont lissés. Un premier cycle lissé de 17 ans commençant en 1963 est visible, et la période des Roaring Twenties (non représentée) démontrait déjà ce phénomène. Le lissage du cycle ayant eu lieu à la fin des années 20 est d'autant plus remarquable pour notre analyse que:
    • Comme l'avait  noté FRIEDMAN:
      « La croyance se répandit qu'une nouvelle ère était née dans laquelle le cycle des affaires était maintenant un phénomène dépassé en raison des progrès de la technique monétaire».
      Ce qui n'est pas sans rappeler le discours de 1994 sur la Grande Modération.


    • Cette période se termina par la Grande Récession débutant en 1929

    Aujourd'hui, l'économie a besoin pour repartir sur des bases saines de la confiance collective.
    Un des soucis majeurs, c'est que les Banques Centrales (surtout la FED) ont perdu en crédibilité. En 1913, celle-ci avait été constituée pour être le préteur en dernier ressort apportant la liquidité dans une situation de credit crunch. Cependant, avec la taille critique du secteur financier contemporain est apparue la notion de Moral Hazard. Si vous savez que quelle que soit la qualité de votre gestion vous êtes protégé, votre propension marginale à prendre des risques augmente. Pour les banques, c'est pareil.

    Les Banquiers Centraux avaient alors décidé de faire croire aux banques qu'elles n'étaient pas too big to fail, et qu'elles ne devaient pas se sentir assurées. C'était l'époque de la doctrine de l'ambiguite constructive: la communication de la Banque Centrale perdait en transparence mais introduisant la notion d'incertitude dans sa communication: "Si vous m'avez compris, c'est que j'ai du mal m'exprimer" disait GREENSPAN




    Mais, déjà sous le mandat de ce même Alan GREENSPAN et de sa gestion de la crise des NTIC à base d'injection de liquidités, les banquiers s'amusaient à parler d'un Greenspan Put: une garantie implicite qui les protègeraient  en cas de turbulence économique, comme l'option de vente (put) servant aux traders a se couvrir contre de trop fortes pertes.



    Aujourd'hui, certains commencent à parler d'un BERNANKE Put, celui-ci continuerait dans la tradition des coupes massives dans les taux et d'injection de liquidites aux moindres bosses sur le sentier de la croissance.

    Mon avis, c'est que l'image des Banques Centrales est aujourd'hui largement tributaire de l'image du Banquier Central. La BCE et la FED ont eu des gestions très différentes de la crise économique et je ne m'attarde que sur la dernière car les États-Unis restent (pour l'instant) la pierre angulaire du Système Monétaire International.
    La FED a été créee au debut du 20eme siecle pour être le pompier de l'économie américaine et par extension de l'économie mondiale. Le problème, c'est que la globalisation financière et son corolaire, le risque systémique, dépassent les capacités d'un unique organisme. Ben BERNANKE a accédé à la fonction de Banquier Central après avoir été reconnu expert sur son thème de prédilection, les crises financières. On aurait donc pu imaginer une certaine credibilite accordee par les marches a sa politique monetaire. Pourtant, sa gestion de la crise des Subprimes est largement questionnée. Le fait que son etude exhaustive de la Grande Depression de 1929 l'ait amene a imputer la crise financiere de l'epoque au manque de liquidites injectees  par la FED de 1929 a 1932 peut etre un debut d'explication de ce manque de credibilite.

    De fait, ce n'est pas seulement l'homme qui est remis en question mais derrière lui l'institution, et même le SMI. Ron PAUL vient non seulement d'écrire le manifeste anti-Banque Centrale End the FED, mais également d'appeler à la suspension de la réélection de Bernanke à la tête de la FED. Des initiatives comme Audit The FED gagnent du terrain.

    Le Banquier Central est devenu une pièce maitresse sur l'échiquier économique mondial. Sans regain de confiance de la part de la communauté financière, il ne pourra pas relancer l'économie comme souhaité et souhaitable. "On ne fait pas boire un âne qui n'a pas Soif" comme le disait un des premiers théoriciens de la crise économique: KEYNES.

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