Sunday, November 15, 2009

Black Swans, Les Oubliés de la Grande Modération

Dans la première partie, nous avons considéré les failles des modèles traditionnels fondés sur une distribution Gaussienne: Une des limites de ces modèles est la place centrale accordée à la valeur moyenne de l’échantillon.


Illustration de la faiblesse de la Moyenne au sein de valeurs ne suivant pas une distribution normale :


On considère un échantillon de 10 personnes dont on calcule le Revenu Moyen (Somme des Revenus individuels / 10) , et le Revenu médian (Valeur pour laquelle 5 personnes gagneront moins, et 5 plus). Une fois ces deux valeurs acquises, remplacer une des personnes par Warren BUFFET.
Le Revenu Médian restera inchangé, alors que l’échantillon des personnes deviendra « en moyenne » milliardaire.

Au sein d’une distribution normale, les évènements de l’échantillon ont une probabilité d’occurrence inversement proportionnelle à leur écart avec la valeur Moyenne. Pourtant, certaines variables aléatoires (comme la valeur nette des individus) laissent apparaitre des outliers (évènements à probabilité faible, mais non nulle possédant un impact majeur)

In the first months of 1998, markets were smooth. ... The mood at Long-Term was relaxed, too. Though the fund's leverage was up, and though the partners had taken out huge personal loans, their exposure seemed tolerable. ... According to their models, the maximum that they were likely to lose on any single trading day was $45 million—certainly tolerable for a firm with a hundred times as much in capital. According to these same models, the odds against the firm's suffering a sustained run of bad luck—say, losing 40 percent of its capital in a single month—were unthinkably high. (So far, in their worst month, they had lost a mere 2.9 percent.) Indeed, the figures implied that it would take a so-called ten-sigma event—that is, a statistical freak occurring one in every ten to the twenty-fourth power times—for the firm to lose all of its capital within one year. 1 R. Lowenstein, "When Genius Failed: The Rise and Fall of Long-Term Capital Management," Random House, 2001, pp. 126–127.
Comme nous l’avons évoqué, selon la loi Normale, plus un évènement est écarté de la valeur moyenne plus sa probabilité d’existence est faible. L’unité de mesure de la distance qui sépare moyenne et évènement communément retenue est le sigma (écart type). Au sein d’une distribution Normale, plus le sigma est fort, plus la courbe est censée « recouvrir » l’ensemble des éventualités.








Un évènement sera donc caractérisé par son sigma d’écart avec la valeur moyenne de l’échantillon, et la VaR correspondante sera proportionnelle à ce sigma. Plus l'écart avec la moyenne est élevé, plus on risque de perdre ou gagner gros. 
Dans l'hypothèse d’une distribution normale des risques, ces éventualités sont considérées comme statistiquement insignifiantes, et doivent être retirées de l’échantillon.  Les modèles destinés à effectuer des prévisions sont de fait invalides, non seulement car le futur n'est jamais une simple extrapolation du passé, mais aussi car le passé s’est vu « gommé » d’évènements ne « fittant » pas l’hypothèse de distribution normale.


Selon leur définition par TALEB, les Black Swans ou Cygnes Noirs sont des évènements difficiles à prévoir, d'une forte rareté mais aussi possédant un impact majeur. 
Vouloir lisser les queues des distributions est une abbération, car en gommant de notre échantillon ces évènements, nous faussons entièrement la situation.








Les institutions financières ont vu la totalité des profits réalisés sur les périodes précédentes effacées par la crise. Peut-on gommer ces retours négatifs sous l'excuse qu'ils ne sont que des anormalités statistiques?


La stratégie de trading de TALEB (qui se concentre sur les options) devient alors compréhensible: en pariant sur des évènements improbables, la probabilité de perdre est forte mais l'importance de ces pertes est faible (Bleed). En revanche, si l'évènement se réalise, le payoff est très important. Il s'agit de l'inverse de la stratégie adoptée par les investisseurs et résumée par la Figure 2 (blow) (tirée de l'annexe statistique fournie par TALEB destinée aux détracteurs de son Black Swan)


Selon la Loi Normale, il existe sur les Marchés Financiers un grand nombre d'évènements proches de la moyenne  (à sigma faibles). En revanche, la probabilité d'occurrence d'évènements éloignées de la moyenne (a sigmas élevés) est plus forte que celle supposée par la Loi Normale. Ces évènements restent rares, mais beaucoup moins que prévu.





Certains évènements se déroulant sur les marchés Financiers ne possèdent aucun sens à la lumière de la distribution Normale. En réalité, les retours enregistrés sur les ces memes marchés suivent des Lois de Puissance, comme démontré pour le DAX.


Les Lois de Puissance (ou Power Laws) sont utilisées pour caractériser la fréquence d'apparition d'un grand nombre d'évènements générés par des systèmes complexes: Taille des Villes, Fréquence et Amplitude de Tremblements de Terre, et donc Marchés Financiers.
Gaussian distributions tend to prevail when events are completely independent of each other. As soon as you introduce the assumption of interdependence across events, Paretian distributions tend to surface because positive feedback loops tend to amplify small initial events. For example, the fact that a website has a lot of links increases the likelihood that others will also link to this website
Une des applications des lois de puissance les plus connues est sans doute la  Loi de PARETO, ou principe du 80/20.
Celle-ci, appliquée depuis un certain nombres d'années aux principes du management comme à la distribution de musiques en ligne, énonce par exemple qu'il est probable que 20% des Produits Vendus par la Firme A génère 80% de ses Revenus. 
Dans le conseil en stratégie, il est commun d'entendre que les recommandations ne constituent que 20% du livrable final mais 80% de la valeur ajoutée.


Selon MCKELVEY et ANDRIANI, l'exacerbation des tensions compétitives et l'écroulement des couts de transaction engendrés par la globalisation ont transformé les distributions Gaussiennes en Distributions de Pareto.
Sous l'influence de ces 2 vecteurs, l'architecture des marchés financiers a gagné en complexité, nourrissant effets de second tour et explosion des flux d'information. De plus, les distributions de Pareto sont gouvernées par la logique du Winner Takes All: Il existe au sein de la distribution un nombre restreint d'évènements au possédant un nombre de connexions supérieurs à la moyenne avec le reste du système,et ceux-ci sont présents dans la queue de la distribution. C'est l'effet Boule de Neige: plus un évènement possède de connections, plus son nombre de points de contacts avec le reste des évènements est élevé et plus la probabilité d'accumuler de nouveaux contacts est forte. Pensez à vos amis Facebook.








Ce nombre de liens élevés avec le reste du système caractérisant les évènements improbables est responsable du risque systémique. C'est en partie pour cela qu'il nous est difficile d'attribuer les crises à des évènements précis. Une multitude de facteurs créé la possibilité d'un évènement si improbable. Comme dans tout système complexe, la somme des conséquences et risques individuels de chacun de ces évènements est différente des risques et conséquences de l'évènement.

Une bulle résulte d'un système complexe de facteurs. Plus de nouveaux facteurs rentrent en jeu, plus la bulle grossit. En Revanche, plus la Bulle est grosse et plus elle touche d'aiguilles:
A crash occurs because the market has entered an unstable phase toward the culmination of a bubble and any small disturbance or process may reveal the existence of the instability. SORNETTE, 2008


Analyse de la crise des Subprimes a travers le concept de Black Swan:


Les changements de paradigme sont traditionnellement issus de moments de crise. A ce titre, la crise des subprimes a donne naissance a de nouveaux schémas d'analyse économique et stratégique. De nouveaux termes de recherches émergent actuellement, dont la majorité sont lies a la prise en compte de phénomène improbables et de fait l'analyse de risque.


La popularité grandissante de l'Econophysique illustre cette tendance a considérer toute crise économique comme crise de la pensée économique.


L'econophysique est une tentative de compréhension des phénomènes économiques a travers le filtre des évènements complexes, et plus particulièrement ceux appartenant au domaine de recherche de la Physique.


Issue du dernier McKINSEY Quarterly, cette représentation de la relation entre fréquence et ampleur des crises bancaires comparée a celles de tremblements de terre montre a quel point ces phénomènes peuvent être compares, et ouvre des pistes de recherches passionnantes.  










Money Market Black Swan

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